La tâche d’écrire à propos de Jacques-Louis Lions, trop récemment et prématurement disparu, me parait excessivement difficile.

J’ai fait la connaissance de Lions à la fin de l’année 1986, au moment de commencer ma Thèse de Doctorat au Laboratoire d’Analyse Numérique de l’Université Paris VI (1).

A l’époque, je beneficiáis d’une bourse du Gouvernement Basque pour étudier à Paris pendant une période de trois ans dont la moitié s’était écoulée.

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Les circonstances qui entourent ma rencontre avec Lions furent, sans doute, un peu particulières. Il était à l’époque, Président du CNES, il venait de recevoir le Prix John von Neumann du SIAM et il se consacrait intensément a l’étude de la contrôlabilité des systèmes. Pour cela, il avait introduit la maintenant classique méthode HUM (Hilbert Uniqueness Method). Suivant ses habitudes, il avait contacté mon directeur de Thèse, Alain Haraux, entre autres collaborateurs, pour clarifier certaines questions qui avaient rapport avec l’équation des ondes. Lions était sur le point de commencer son cours 86-87 au Collège de France; il avait pensé qu’Alain pourrait rédiger les notes du cours, et celui-ci pensa, à son tour, à moi.

Ainsi, a la fin d’une de ces conférences de l’inoubliable séminaire du vendredi après-midi au Collège de France, je fus présenté à Lions qui, avec le regard à la fois chaleureux et ferme qui le caractérisait, et ce sourire qui dévoilait son intelligence aigüe et son esprit singulier, me demanda si je me sentais capable d’écrire en francais. Je lui repondis franchement que, avec l’aide d’un dictionnaire, oui. Cette réponse lui suffit et il me confia la tâche qui occupa un bonne partie de mon temps pendant une année et qui eut un influence décisive dans ma carrière professionnelle.

Je n’ai jamais su quel tait le mécanisme que Lions utilisait pour sélectionner les personnes auquelles il confiait des tâches professionnelles et qui l’avait conduit à laisser dans les mains d’un jeune homme avec un accent marqué (du sud-ouest, diraient les plus indulgents (très au sud et très à l’ouest)) et sans experience, una telle tâche. Je crois qu’il y avait, d’une part, beaucoup d’intuition et, d’autre part, cet esprit d’homme méditerranéen qui le poussaient à prendre des risques simplement pour le fait de découvrir et comprendre de nouvelles choses au travers des Mathématiques. En effet, j’ai toujours eu la sensation que Lions s’intéressait aux questions de Mathématiques dans la mesure ou celles-ci représentaient des petits laboratoires pour des questions beaucoup plus transcendantes du monde qui nous entoure.
Je regrette profondement sa perte.

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Ca c’est tout le monde

Je ressentirai profondément son absence

Particulièrement, je ne retrouverai plus jamais dans mon casierà la Faculté un de ses fax, ou, avec l’amabilité, l’élégance et la profondeur de pensée qui le caract\’erisaient, il me proposait une de ces questions Mathématiques qui étaient pour moi beaucoup plus q’un travail : une raison pour commencer les journées avec optimisme et travailler avec passion.

Il nous reste l’ineffacable empreinte du maître et de l’homme qui, malgré le grand prestige professionnel et social qui l’entourait, était toujours prêt à écouter, sans faire de distinction d’âge ou d’origine. Lions, à travers son oeuvre et son école, continuera à influencer notre conception des Mathématiques, et, à travers celles-ci, notre facon de comprendre l’univers, sa source preférée de problèmes ouverts.

Malheureusement, beaucoup de questions resteront sans response; en particulier, celle dont nous nous amusions si souvent : trouver le système idéal, qui peut être controlé sans contrôle.

(1) Le Laboratoire porte aujoudhui le nom de Laboratoire Jacques Louis Lions.